ECONOMIE ILE DE LA REUNION

Loi-programme : Front commun contre Paris CLICANOO.COM | Publié le 10 juin 2008 Les présidents des deux assemblées locales, l’association des maires, et les acteurs économiques exigent, ensemble, que Paris revoie son projet de loi-programme pour l’Outre-mer. Une plate-forme cosignée par l’ensemble des protagonistes sera adressée bientôt au gouvernement. Reprise des discussions le 25 juin.

A quoi ressemblera la prochaine mouture de la loi-programme pour l’Outre-mer ? Alors que le texte devait être examiné prochainement en conseil des ministres, le gouvernement vient, dans l’urgence, de reporter sa présentation. En déplacement aux Antilles la semaine dernière, Michelle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, et Yves Jégo, son secrétaire d’Etat, ont préféré prolonger la concertation face aux différentes menaces brandies par les élus de Guadeloupe et de Martinique. Il n’en fallait pas plus pour que les opérateurs économiques réunionnais, particulièrement hostiles à la version actuelle du projet de loi, profitent de ce répit pour réactualiser leurs anciennes propositions. Dans leur combat, les présidents des organismes consulaires, les organisations patronales et le Conseil économique et social de La Réunion (CESR) ne sont plus seuls. Rendu public hier à l’issue d’une conférence de presse, ce programme, aux allures parfois corporatistes, a été cosigné par Paul Vergès, le président de la Région, Nassimah Dindar, son homologue UMP du Département, et Roland Robert, le nouveau chef de file communiste de l’association des maires. Sur le papier, une partie de la classe politique et le monde économique font donc bloc contre le gouvernement. A des degrés divers, les différents acteurs consultés sur ce dossier expriment leur “vive inquiétude”, et soulignent que “le projet gouvernemental ne répond pas aux enjeux auxquels l’Outre-mer se trouve confronté aujourd’hui”. Repousser les échéances Sur le fond, le débat demeure très financier. Paris considère que la future loi-programme permettra à l’Outre-mer de récupérer 100 millions d’euros de crédits supplémentaires par an. Mais à La Réunion comme aux Antilles, ces chiffres sont contestés. Hier, Jean-Raymond Mondon, le président du CESR, a calculé que le gouvernement économiserait annuellement 350 millions d’euros si le texte était voté en l’état. Dans le détail, le contentieux porte sur de nombreux points.

Les socio-professionnels estiment que les mesures d’exonérations fiscales imaginées dans le cadre de la zone franche globale ne sont pas suffisamment incitatives.

Le même raisonnement prévaut pour les dispositions prévues en matière d’exonérations sociales. La plate-forme contient d’autres revendications récurrentes : les entreprises du petit commerce (moins de 11 salariés) souhaitent par exemple être incluses dans les zones franches, tandis que les agriculteurs réclament une exonération de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB). La problématique de la défiscalisation immobilière est également au coeur des débats. Même s’ils ne s’opposent pas au transfert des avantages fiscaux vers le logement social, les signataires de la plate-forme restent persuadés que l’on ne peut pas pénaliser du jour au lendemain les constructions de logements dans le secteur libre ou intermédiaire. Sans surprise, ils réclament donc une période transitoire d’au moins cinq ans. Pour mémoire, le gouvernement a prévu de faire basculer le dispositif fin 2009. “L’intervention d’une nouvelle loi-programme modifiant des dispositions existantes n’a de sens que si elle se traduit par des améliorations et qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une approche globale”, a indiqué la présidente du conseil général au cours de son intervention. Une analyse partagée par Paul Vergès, ravi que La Réunion puisse parler d’une seule voix en dépit de ses différences idéologiques... Toute la question est de savoir si ce front commun sera suffisamment puissant pour contraindre le gouvernement à corriger le tir. En obligeant Michelle Alliot-Marie et Yves Jégo à décaler leur calendrier, les élus de l’Outre-mer ont enlevé une première manche décisive. Il leur reste maintenant à hiérarchiser leurs priorités s’ils veulent gagner en crédibilité d’ici le 25 juin, date de la reprise officielle des discussions. Hier, Maurice Cerisola, le président de La Réunion Economique, a admis que le document transmis au gouvernement ressemblait, pour l’heure, davantage à un catalogue qu’à un véritable programme de développement. Et comme il le dit si bien, “dans un catalogue, il faut bien finir par choisir”... Florent Corée